Quand la défense, pilier de la justice, est réduite au rôle de figurant dans les cas de droits humains en Algérie

Depuis l’indépendance de l’Algérie, la justice a été systématiquement instrumentalisée par ceux qui ont pris le pouvoir par la force, afin d’éliminer leurs adversaires politiques. Les autorités successives, dépourvues de légitimité populaire, ont été contestées pour leur gestion du pays, ce qui a engendré des voix discordantes. Pour faire face à ces critiques, les autorités algériennes ont mis en place un dispositif juridique répressif, utilisé conjointement avec les services de sécurité pour arrêter, torturer et emprisonner tout opposant osant s’exprimer contre le pouvoir en place.

Le paysage des défenseurs des droits de l’homme en Algérie a été quasiment anéanti. Les individus engagés dans cette lutte sont soit emprisonnés, soit contraints à l’exil, laissant derrière eux une poignée d’avocats courageux pour défendre les libertés fondamentales. Les organisations non gouvernementales (ONG), comme la Ligue algérienne des droits de l’homme, ont été dissoutes par les autorités. Quant à la Commission des droits de l’homme, elle n’est qu’une création de façade, destinée à donner l’illusion à la communauté internationale que l’Algérie respecte ses engagements en matière de droits humains. Cependant, cette institution est vidée de sa substance, comme en témoigne son silence assourdissant face aux poursuites judiciaires contre douze avocats, dont cinq ont préféré garder l’anonymat par crainte de représailles, simplement pour avoir publié des posts sur Facebook.

Dans les affaires touchant aux libertés individuelles ou collectives, les avocats sont tolérés, mais réduits au rôle de figurants dans une parodie de justice où le verdict est souvent dicté par le pouvoir en place. Leur rôle est minimisé, leurs arguments ignorés, et leurs preuves écartées, dans le seul but de maintenir l’apparence d’une justice fonctionnelle. Pourtant, si les avocats peuvent s’exprimer dans les tribunaux sans être écoutés, toute critique publique sur les réseaux sociaux est sévèrement réprimée. Les poursuites judiciaires peuvent aller jusqu’à des peines privatives de liberté, comme dans le cas de Raouf Arslan, en passant par des amendes, du harcèlement, des intimidations, des agressions physiques, des contrôles judiciaires, voire une interdiction de quitter le territoire algérien.

Le plus troublant est que certaines agressions ont lieu au sein même des tribunaux, comme dans le cas de Maître Sofiane Ouali, avocat de Mira Mokhnache, sans que des mesures punitives ne soient prises contre les responsables. Ces actes, délibérément orchestrés, s’inscrivent dans une politique répressive visant à museler toute voix discordante. Le silence des instances onusiennes est perçu comme un encouragement à cette politique, laissant les avocats seuls, démunis et livrés à leur sort. Cette situation pousse certains à ne pas dénoncer publiquement ces pratiques, par crainte de voir les représailles s’amplifier.

En conséquence, le nombre d’avocats dédiés à la défense des droits humains a chuté de plus de 274 à moins de 40, alors que les poursuites judiciaires pour des motifs liés aux libertés individuelles et collectives ne cessent d’augmenter depuis le début du Hirak en 2019. Selon HAQQI, le nombre de détenus d’opinion dépasse les 300, bien que les statistiques précises manquent en raison des risques encourus par ceux qui tentent de les compiler et aux personnes poursuivies qui préfèrent garder l’anonymat dans l’espoir d’obtenir la clémence de l’administration et de voir abandonner les poursuites. Les autorités algériennes ont bien compris que l’absence de statistiques officielles permet d’éviter les critiques, mais surtout de minimiser le problème voire de les présenter comme des marginaux, alors que les prisons sont bondées de détenus.

Face à cette situation alarmante, il est impératif que les rapporteurs de la justice du Haut-Commissariat des droits de l’homme se penchent sur le cas de l’Algérie. La situation des libertés dans le pays ne s’est pas améliorée ; au contraire, elle s’est détériorée, comme en témoignent tous les indicateurs qui virent au rouge. Il est crucial que les rapporteurs rappellent aux autorités algériennes leurs obligations découlant des conventions et traités relatifs aux droits humains qu’elles ont signés et adoptés.

L’Algérie ne pourra prétendre à une véritable justice que lorsque la défense, pilier essentiel de tout système judiciaire, cessera d’être réduite à un rôle de figurant. Il est temps que la communauté internationale exige des comptes et que les voix des défenseurs des droits humains soient entendues et protégées.




Leave a Comment